Selon le rapport intitulé « The Regional and Subregional Assessment Report on Biodiversity and Ecosystem Services for Africa » rendu public en 2019 par l’IPBES (le « GIEC de la biodiversité »), on estime que la surexploitation et la dégradation des écosystèmes de la biodiversité entraîneront entre 40 à 50 % la perte des espèces d’oiseaux et de mammifères d’Afrique et de 20 à 30 % le déclin de la productivité des lacs d’ici la fin du siècle. Cette perte se combine également à de nombreux autres problèmes environnementaux tels que la pollution de la mer et des sols par des déchets toxiques, des plastiques ou encore des métaux lourds qui affecte la qualité de vie. La biodiversité joue un rôle essentiel dans le développement et le bien-être des populations africaines, car elle leur permet de subvenir à leurs besoins premiers : se nourrir, se soigner et de s’approvisionner en eau, par exemple. De plus, la maîtrise de la biodiversité est un moteur du développement socio-économique.
Avec les pertes actuelles d’espèces et d’habitats naturels sur le continent, largement imputables aux effets négatifs du changement climatique, le processus devrait se poursuivre et affecter les progrès du développement des pays africains, en particulier dans la capacité du continent à s’inscrire dans une croissance durable. Par conséquent, l’enjeu de la protection de la biodiversité exige que nous repensions la façon dont celle-ci est considérée en particulier dans les programmes de développement des pays africains. Il n’est pas trop tard pour inverser les tendances. L’ambition que ce donne ce quatrième numéro de la Revue Pluridisciplinaire Africaine de l’Environnement est de présenter les solutions et les pistes de réflexion.
Premièrement, en ce qui concerne la coopération régionale, l’instrumentation de la gouvernance forestière en Afrique centrale, particulièrement au Cameroun, se manifeste sous l’impulsion des Accords de Partenariat Volontaires (APV). Ces accords sont un des éléments du Plan d’action de l’UE relatif à l’application des réglementations forestières, à la gouvernance et aux échanges commerciaux visant à enrayer l’exploitation forestière illégale. A cela, s’ajoute la diplomatie parlementaire de préservation de l’environnement en Afrique centrale. En effet, les parlementaires de la sous-région sont de plus en plus impliqués dans la gouvernance des ressources naturelles.
Deuxièmement, il est nécessaire d’intégrer la surveillance environnementale afin de préserver la biodiversité ceci d’une part, afin de garantir un futur à la médecine traditionnelle qui joue un rôle essentiel dans les soins de santé en Afrique. Avec la menace sur la biodiversité, il est urgent d’assurer la protection de celle-ci pour continuer à garantir à la médecine traditionnelle un accès aux germes nécessaires. Dans le même sens, la valorisation de la biodiversité est primordiale afin de permettre l’accès équilibré de tous aux soins de santé de qualité. Ainsi, la garantie de la biodiversité ouvrirait la voie à une éthique médicale humainement viable. D’autre part afin de protéger les ressources aquatiques, avec la surveillance des pêches et la protection des poissons grands migrateurs dans le Golfe de Guinée qui ne doit donc pas être cantonnée dans un espace, celui de la zone économique exclusif (ZEE), mais qu’il faudra aussi étendre à la haute Mer.
Troisièmement, depuis le Sommet de la terre de Rio en 1992, les États africains ont entamé une vague de révisions de leurs législations forestières dans l’optique de les adapter aux exigences de la gestion durable des forêts. On peut s’interroger sur l’adaptabilité du nouvel instrument juridique de lutte contre le réchauffement climatique en Afrique au titre de la COP21. Rappelons que les efforts de réduction de gaz à effet de serre tels que mis en exergue dans ces contributions déterminées au niveau national (CDN), les mesures prioritaires sont dans le secteur de l’énergie. Il faut un soutien de la communauté internationale afin que les actions de transfert de technologies, de renforcement des capacités et de financement soient mises en œuvre. On peut également questionner la gestion durable dans les mécanismes de protection des forêts, dans le cadre de la conservation de la biodiversité d’Afrique. On retrouve un exemple à travers l’examen des lois forestières et de la gouvernance en République centrafricaine fondée sur le principe d’aménagement forestier durable prôné par le Code forestier et autres documents administratifs. Mais, on constate une incohérence des textes ainsi qu’un cadre institutionnel inefficace.
Quatrièmement, en termes de conservation de la biodiversité, la forêt de Mabaya à Mbujimayi en République démocratique du Congo serait détruite par la population environnante et elle ne pourrait plus bénéficier aux générations futures. Il faudrait reconstruire cet écosystème et poser les jalons pour une exploitation durable. Par ailleurs, la multiplication de l’exploitation d’immenses quantités de terres et de ressources naturelles pour la culture de la canne à sucre entraine un déséquilibre environnemental dans le terroir sucrier camerounais. Alors que le Cameroun s’est engagé dans la protection de l’environnement en l’inscrivant dans sa Constitution, cet engagement devrait être une obligation imposée à tous les exploitants environnementaux. Tandis qu’en Algérie, le développement économique durable serait fondé sur une utilisation de la biodiversité permettant un bien-être humain et assurerait un développement durable. Il sera très important de travailler sur l’état d’esprit de la population congolaise, qui estiment que la protection de la biodiversité est l’apanage exclusif des gouvernants et leurs partenaires. D’où s’en suit une absence du leadership écologique et un manque d’éducation au principe du développement durable, afin de permettre une prise de conscience collective des enjeux de préservation de la biodiversité en République démocratique du Congo.
Cinquièmement, en ce qui concerne la stratégie nationale à Saint-Louis au Sénégal, les communautés contribuent à la préservation et à la valorisation de la mangrove qui est sous pression en raison des variations climatiques et des pressions anthropiques.
Sixièmement, à l’échelle internationale, l’actualité du principe de souveraineté permanente des États sur leurs ressources naturelles à l’ère où la protection de l’environnement est une préoccupation fondamentale, mais aussi urgente. De plus, la protection internationale de la biodiversité reste complexe, malgré son importance. Adoptée par l’ONU en 1982, la convention de Montego Bay à la protection de la biodiversité maritime en Afrique permet de considérer les différentes atteintes faites à l’environnement marin.
Enfin, dans la partie VARIA, a été analysée la notion de développement durable qui renferme des contradictions et constitue une « aporie ». Une autre contribution a permis de réfléchir sur le projet de transfert d’eau de l’Oubangui vers le Lac Tchad qui s’inscrit dans une longue histoire de projets de transfert d’eau en Afrique ayant une visée environnementale et économique. Dans le domaine de la sécurité alimentaire, au Cameroun, la création du Groupe de Travail Sécurité Alimentaire (GTSA) permet de professionnaliser, de rendre technique et de dépolitiser la prise de décision politique. Un autre article propose d’examiner un modèle théorique de la norme juridique fondé sur le critère et l’envergure de l’objet afin de conceptualiser une théorie instrumentale du droit. Une ultime contribution analyse la confrontation entre intérêts privés et intérêts des personnes publiques parties au regard des accords d’investissements dans le contexte africain.
Nous espérons que ce riche quatrième numéro spécial de la Revue Pluridisciplinaire Africaine de l’Environnement va éveiller votre curiosité pour en apprendre davantage sur les différentes thématiques développées.
In Revue Pluridisciplinaire Africaine de l’Environnement, Les enjeux de la biodiversité en Afrique, n°4, Décembre 2021, pp. 7-8.
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Chancia IVALA
Juriste en droit de l’environnement
Présidente Jeunesse Africaine pour l’Environnement
Si’il vous plait qu’en est-il du sommet de la jeunesse africaine sur la biodivesité ?
Bonjour,
A l’issu de ce sommet, une déclaration a été adoptée; vous pouvez vous la procurer ci-après: https://4post2020bd.net/wp-content/uploads/2020/05/AYBF2020-Official-Declaration-FR.pdf.