En Afrique, la gestion des déchets urbains (ménagers, industriels, et liquides) cause des problèmes tant au niveau de la santé humaine qu’environnementale. Selon le rapport de la Banque Mondiale de 2012 sur «What a waste – A Global Review of Solid Waste Management », l’Afrique produit en moyenne 125 millions de tonnes de déchets par an, ce qui reste très en dessous des régions majeures du monde (OCDE, Asie, Amérique, Moyen-Orient, Caraïbes et Pacifique). La gestion des déchets urbains y est mauvaise et cela est liée à la faiblesse des systèmes de collecte et de traitement. D’ici 2025, on s’attend à ce que ce volume atteigne 244 millions de tonnes par an, selon le rapport sur « L’avenir des déchets en Afrique » édité par le Programme des Nations Unies pour l’environnement (UNEP) en 2017. Le taux moyen de collecte des déchets urbains pour le continent africain devrait augmenter à seulement 69% d’ici 2025. L’importante croissance démographique, la concentration des populations urbaines combinées à l’émergence de nouveaux modes de consommation des populations africaines ne font qu’aggraver cette crise de la salubrité et de la gestion des déchets urbains.
Dans le présent numéro, certaines des contributions ont permis de déterminer les politiques régionales et nationales relatives à la gouvernance des déchets en Afrique. Le rôle des acteurs de la gestion des déchets à l’échelle nationale et locale y est également traité; ainsi que les stratégies de gestion et de valorisation des déchets et les comportements des populations africaines face à leurs déchets.
Par conséquent, les entreprises sont aussi parties prenantes dans les décisions et actions en termes de gestion du problème des déchets urbains aux cotés des États africains et de leurs collectivités territoriales décentralisées afin d’évaluer la capacité desdites entreprises à solutionner cette crise de la salubrité. Nous sommes face à une diversité d’acteurs dont il est indispensable de clarifier les rôles et responsabilités afin de mettre en place un système plus efficace de gouvernance de la gestion des déchets dans les villes africaines, en retenant ici l’exemple de ce qui est fait au Mali. La cruciale question du financement de la gestion des déchets en Afrique est abordée. En effet, les moyens mis à la disposition des ministères en charge de la gestion des déchets demeurent insuffisants.
Sur le plan réglementaire, la législation camerounaise sur les déchets semble pertinente, mais elle est encore ineffective dans la pratique tant dans l’ordre juridique, institutionnel, social que culturel. C’est la raison pour laquelle l’éducation environnementale sur la gestion des déchets permettrait de prévenir cette pollution. Il faudrait réformer la législation en la matière en instituant une répression dissuasive et en permettant la réparation des dommages afférents. Au sein des États de la Communauté Économique et Monétaire de l’Afrique Centrale (CEMAC) l’analyse du statut juridique du déchet dans les législations permet de dégager une acception variable de celui-ci. La perception économique du déchet devrait être favorisée.
En termes de gestion proprement dite, le retour d’expérience de la société HYSACAM qui assure une gestion déléguée des déchets solides dans la ville de Yaoundé permet de redéfinir le rôle de l’État camerounais dans le schéma de gestion des déchets en milieu urbain. En outre, les grandes agglomérations des pays africains subissent des inondations ce qui aggrave la dispersion des déchets, notamment à travers l’exemple illustré ici, par les villes de Douala et Yaoundé au Cameroun qui sont régulièrement inondées. Les gouvernements peinent à trouver des solutions durables au phénomène d’inondation. Le constat est que les orientations politiques n’apportent pas des solutions satisfaisantes à ce problème qui devient récurrent. Par ailleurs, la présence des déchets électroniques se retrouvant dans les déchets municipaux au Cameroun entraîne des problèmes de grande envergure pour l’environnement et la santé humaine. L’utilisation des appareils électroniques croît à un rythme exponentiel. Il serait judicieux que les autorités locales fassent appliquer des mesures de gestion systématiques et promeuvent des bonnes pratiques qui permettraient de minimiser les impacts négatifs des déchets électroniques dans le paysage urbain. Autre secteur affecté, celui de l’agriculture qui souffre de la gestion des déchets résiduaires organiques. Il est nécessaire de pérenniser des stratégies d’extension de l’agriculture urbaine à partir de la gestion des déchets organiques, notamment dans la ville de Garoua au Cameroun. En somme, une bonne gestion des déchets organiques et minéraux serait pour l’avenir un réel potentiel en vue d’un développement économique et pour favoriser la protection de l’environnement.
La réflexion sur la valorisation des déchets est intéressante. Elle a été prise en compte au cours des dernières décennies en Algérie, du fait de la quantité croissante des déchets ménagers en lien avec l’augmentation démographique. L’objectif est de limiter les risques sanitaires encourus par les populations algériennes en assurant une meilleure gestion des déchets par la mise en place de stratégies de développement et de croissance économique durables fondés sur la valorisation et le tri des déchets. De même, à Bangui, la mise en décharge non aménagée est courante. Du fait de l’absence d’un système fiable de collecte et de gestion des déchets solides dans la capitale centrafricaine, on assiste à une augmentation des volumes des déchets répartis dans plusieurs dépotoirs sur des espaces découverts dans différents quartiers. Au-delà des risques sanitaires, la contribution des déchets urbains dans l’émission des gaz à effet de serre (GES) est également un enjeu à prendre en compte. Si aucune politique publique n’est prise en la matière, la République centrafricaine deviendrait un puit d’émission des GES, et cela exposerait la population à des maladies dus au mauvais traitement des déchets. D’ailleurs, une initiative développée à travers les African clean cities (villes africaines propres) apporte des pistes de solutions dans la perspective de la valorisation des déchets en Afrique.
Ce troisième numéro de la Revue Pluridisciplinaire Africaine de l’Environnement accueille aussi une nouvelle rubrique, VARIA, regroupant des articles sélectionnés par le comité de rédaction. On y trouve une contribution traitant de la gestion de la Réserve de Biosphère du Delta du Saloum (RBDS) au Sénégal. En effet, l’État sénégalais a permis, à travers les lois de 1996 relatives aux transferts de nouvelles compétences aux collectivités territoriales, le transfert aux populations locales la responsabilité de gérer les ressources des aires protégées du Delta du Saloum. Cela permet la promotion de la participation du public et d’assurer un contrôle social de l’environnement en impliquant de façon volontaire l’adhésion desdites populations. Une seconde contribution étudie le rôle du juge tchadien dans l’effectivité du procès environnemental. Il en ressort que ce juge fait preuve d’originalité dans sa prise de décision juridictionnelle, notamment en faveur de l’environnement. Il est recommandé au législateur d’offrir au juge les moyens de recourir à l’expertise tant interne qu’externe afin de rendre davantage effectif le procès environnemental au Tchad. L’article sur les actions socio-économiques de l’ONG Help-Tchad permet de questionner la situation de pauvreté et d’injustice sociale subies par les victimes de Djihadistes Boko Haram dans la province du Lac au Tchad. L’ONG a distribué des milliers de kits à la fois d’hygiène et de lutte contre la Covid-19. Elle a également construit 35 dépotoirs à travers différents villages d’accueil et sites pour les populations déplacées afin d’assurer la salubrité de ces lieux. Encore, un quatrième article rappelle que de multiples violations des droits de l’Homme ont été orchestrées par des bandes sécessionnistes dans les régions d’expression anglophone au Cameroun. Ainsi, la tenue du Grand Dialogue National a permis l’adoption de nombreuses propositions pour envisager un retour à la paix dans le pays. Enfin, une dernière contribution étudie le régime juridique de la réfaction dans le domaine des marchés publics. En somme, elle serait une pénalité vraisemblablement ignorée dans l’environnement juridique en Afrique. Notons qu’elle ne s’assimile pas aux dommages-intérêts.
In Revue Pluridisciplinaire Africaine de l’Environnement, La gouvernance des déchets urbains dans les villes africaines, n°3, Août 2021, pp. 7-8.
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Chancia IVALA
Juriste en droit de l’environnement
Présidente Jeunesse Africaine pour l’Environnement